Amélie Nothomb a reçu le prix Renaudot ce lundi. L’auteure belge était venue présenter son dernier roman, « Premier Sang », à Arles, le 23 septembre dernier à la chapelle du Méjan. Avant une rencontre avec une centaine de lecteurs, Amélie Nothomb s’était confiée à La Provence sur ce roman très personnel, hommage à son père disparu pendant le premier confinement.
Aviez-vous prévu d’écrire un livre sur votre père, avant son décès ?
Pas du tout, je n’avais jamais pensé que j’écrirais sur lui. Et je n’avais pas pensé non plus qu’il mourrait. Quand il est mort, je n’ai pas eu l’idée tout de suite. Six mois après sa mort, dans le désespoir d’un deuil complètement raté, puisque je n’avais pas pu me rendre aux funérailles à cause du confinement, je me suis dit « Amélie, tu dois faire quelque chose. Tu n’as pas pu dire au revoir à ton père. Eh bien, ressuscite-le par ton écriture. Comme ça, tu pourras le lui dire. »
Est-ce que cela vous a fait du bien ?
C’est certain, ça m’a fait beaucoup de bien. Mais, chose encore plus curieuse, j’ai senti que ça LUI faisait beaucoup de bien. Car à partir du moment où mon père est mort, le 17 mars 2020, il n’a pas cessé de me parler dans la tête. C’était très bien, j’aimais beaucoup que mon père me parle dans ma tête. Mais au bout de six mois, j’ai commencé à me demander si c’était bon signe pour lui, s’il allait pouvoir se reposer. Et quand j’ai fini d’écrire le livre et que je l’ai apporté à mon éditeur, Papa cessé de me parler. J’ai senti que c’était un très bon signe, c’était un heureux silence. En fait, je pense qu’il voulait que je signale qu’il était un héros.
Justement, vous évoquez tout juste la vie de diplomate de votre père. Vous avez choisi de surtout parler de son enfance. Pourquoi ?
Parce que c’est ce qu’il y a de plus passionnant : expliquer que rien ne le prédisposait à être un héros. C’était un petit garçon délicat, féminin. Quand il est arrivé chez les Nothomb à l’âge de 6 ans, il a découvert une horde de sauvages, lui qui était un petit garçon au col en dentelle qui s’évanouissait à la vue du sang. J’aime penser que mon père n’avait pas du tout le profil d’un héros et que justement, cela fait de lui un héros d’autant plus admirable. Lors de cette prise d’otages au Congo en 1964, il a sauvé la vie de 1 500 personnes rien qu’en parlant. Acte d’héroïsme extraordinaire.
Le livre s’arrête quelques années avant votre naissance. Est-ce de la pudeur ?
C’est ce père qui m’intéresse, celui d’avant ma naissance. Après, je ne veux pas dire que je le connais, mais je l’ai vu quand même. Ce qui me passionne le plus, c’est mon père avant moi !
Votre famille a lu le livre ? Quelle a été leur réaction ?
Oui, ils ont très bien réagi ! Il faut dire que ce n’est pas un livre dans lequel j’attaque mon père. Je montre le magnifique personnage qu’il était. Tout le monde l’a reconnu. Mon but était que tout le monde entende sa voix dans le livre. Ce qui me fait très plaisir, c’est que même des gens qui ne l’ont pas connu, et entendent des archives de la radio belge, me disent « on reconnaît cette voix, c’est celle que vous avez trouvée dans votre livre. » Ça me fait vraiment plaisir.
Vous êtes à Arles aujourd’hui (le 23 septembre, Ndlr), étiez-vous déjà venue ?
C’est la première fois de ma vie que je viens à Arles. Je suis très excitée ! Je crains de ne pas avoir le temps de visiter, mais le peu que j’en ai entrevu m’a absolument charmée !